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niez caché tout à l’heure ! Là ! Et maintenant, imaginons que nous nous rencontrons pour la première fois !

— Comment l’entendez-vous ? s’écria-t-il. Puis-je croire que vous consentez à passer l’éponge sur notre petit compte de tantôt ?

— Mais certainement ! dis-je. Ce petit compte prouve seulement que votre ardeur est plus grande que vos forces. Vous n’êtes pas aussi jeune que vous l’avez été, monsieur Fenn, voilà tout !

— Et je vous en supplie, monsieur, ne me dénoncez pas au vicomte ! Je ne nie pas que mon cœur m’ait un peu manqué, mais ce n’était qu’un mot, monsieur, comme tout le monde aurait pu en dire, dans la chaleur de l’action !

— C’est bon ! dis-je. Rassurez-vous !

— Voyez-vous, j’ai si peur que le vicomte ne soit amené à me mal juger ! Car l’affaire, au point de vue financier du moins, est aussi bonne que je puis la désirer : mais fatigante, monsieur, oh bien fatigante. Elle fera de moi un vieillard avant l’âge. Vous avez pu remarquer vous-même que je n’ai plus les genoux très solides. Les genoux et le souffle, c’est par là que ça me prend ! Mais je suis sûr, monsieur, que je m’adresse à un gentleman qui serait incapable de mettre le trouble entre deux amis !

— Je vous promets, répondis-je, de ne point insister sur ces détails insignifiants, dans le rapport que je ferai au vicomte !

— Puis-je vous offrir un pot de mon ale, monsieur ? Par ici, s’il vous plaît ! Je suis heureux de tout mon cœur de pouvoir servir un gentilhomme tel que vous ! Prenez garde à cette marche, monsieur ! Je pense que vous avez eu de bonnes nouvelles de la santé du vicomte, ainsi que de celle de monsieur le marquis ? »

Que Dieu me pardonne ! l’horrible personnage était encore tout essoufflé de la fureur de son assaut, et déjà il était tombé dans une familiarité obséquieuse, flagorneuse, comme celle d’un vieux domestique ; déjà il essayait de me flatter en me parlant de mes relations !