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DE L’AMOUR ET DE LA POLITIQUE

tôme de prince, partant à cheval, seul ou avec quelques piqueurs, dédaigné de tous, et je me suis même senti de la compassion pour une existence si futile et si piètre. Tels, peut-être, furent les derniers Mérovingiens.

La princesse Amélie-Séraphine, fille de la maison grand-ducale de Toggenburg-Tannhäuser, serait une quantité également négligeable, n’était qu’entre les mains d’un ambitieux elle est devenue un instrument dangereux. Elle est beaucoup plus jeune que le prince ; c’est une enfant de vingt-deux ans, d’une vanité morbide, superficiellement intelligente, foncièrement sotte. Elle possède des yeux d’un brun roux, à fleur de tête, trop grands pour sa figure, et dans lesquels scintillent à la fois la légèreté et la férocité, un front étroit et haut, une taille fluette et un peu penchée. Son maintien, sa conversation qu’elle entrelarde de français, jusqu’à ses goûts mêmes et ses ambitions, tout chez elle est prétentieux. Et cette affectation se montre sans grâce : une batifoleuse jouant à la Cléopâtre. Je la jugerais incapable de franchise. Dans la vie privée, une jeune personne de cette espèce introduit le désordre dans la paix des ménages, se promène toujours escortée d’une troupe de prétendants à mine provocante, et figure une fois au moins dans un procès de divorce. C’est un type ordinaire, et, sauf pour le cynique, assez peu intéressant. Mais, placée sur un trône, entre les mains d’un homme tel que Gondremark, elle peut devenir la cause de grands malheurs publics.

Gondremark, le vrai maître de cet infortuné