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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

— Je vais vous le dire, répliqua le jeune homme. J’ai bien vu tout de suite que vous étiez un progressiste ardent, que vous vous reteniez seulement par crainte du vieux Killian. Quant à cela, Monsieur, vous aviez raison : les vieux sont toujours poltrons. Mais, à cette heure, il y a tant de groupes différents, qu’on ne peut jamais savoir d’avance jusqu’à quel point osera aller le plus hardi. Je n’eus la certitude complète que vous apparteniez aux penseurs avancés, que lorsque vous commençâtes à parler des femmes et de l’amour libre.

— En vérité, s’écria Othon, je n’ai jamais soufflé mot de chose pareille !

— Cela va sans dire… oh ! non, rien de compromettant ! Vous semiez les idées, voilà tout, les amorces de fond, comme dit notre président. Mais il faut être fin pour me tromper, car je connais nos orateurs, leur manière de faire, et leurs doctrines. Et, entre nous, ajouta Fritz, baissant la voix, je suis affilié moi-même… Oh ! oui, j’appartiens à une société secrète, j’ai ma médaille ! Il découvrit un ruban vert qu’il portait autour du cou, et fit admirer à Othon une médaille d’étain sur laquelle se voyait l’image d’un phénix, avec la légende : Libertas. — Et maintenant vous voyez que vous pouvez avoir confiance en moi. Je ne suis point un de vos vantards de taverne, je suis révolutionnaire convaincu. Et il jeta sur Othon un regard séducteur.

— Je comprends, répondit le prince. C’est tout à fait charmant. Mais, voyez-vous, Monsieur, ce qu’on peut faire de mieux pour son pays, c’est d’être tout d’abord un honnête homme. Pour ma