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PRINCE ERRANT

auriez raison, fit-il. Devant Dieu, sans doute aucun, vous seriez dans le vrai ; mais les hommes, Monsieur, voient les choses d’un autre œil… et ils rient.

— On en a fait une chanson, dit Fritz. Attendez donc… tin-tin tarara.

Mais Othon, qui n’avait grand souci d’écouter la chanson, l’interrompit : — Enfin, hasarda-t-il, le prince est jeune, il a le temps de se ranger.

— Permettez, déjà pas si jeune, s’écria Fritz. Un homme de quarante ans !

M. Gottesheim précisa : — Trente-six, dit-il. Et Mlle Ottilie, toute désillusionnée, de se récrier : — Oh ! un homme tout à fait passé ? On le disait si beau, quand il était jeune !

— Chauve, aussi, ajouta Fritz.

Othon passa ses doigts dans ses cheveux. À cet instant, certes, il n’était rien moins qu’heureux ; et en comparaison avec le présent, même les ennuyeuses soirées de son palais à Mittwalden commençaient à lui sourire. Il protesta : — Oh ! trente-six ans, que diable ! — Un homme n’est pas vieux à trente-six ans. C’est justement mon âge.

— Je vous en aurais donné plus, reprit le fausset du vieillard. Mais s’il en est ainsi, alors vous êtes du même âge que maître Ottekin (comme on l’appelle), et je parierais bien un écu que vous avez fait meilleure besogne dans le temps. Quoique cela paraisse peu en comparaison avec un grand âge comme le mien, c’est déjà un bon bout de chemin de fait, et à cet âge les éventés et les fainéants commencent à se fatiguer et à vieillir. Ma foi, oui, Monsieur, à trente-six ans tout homme