Page:Stevenson - Le Roman du prince Othon.djvu/297

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
281
HEUREUSE INFORTUNE

— Non pas, dit Othon. Il faut d’abord nous tirer de ce guêpier où je vous ai conduite ; mon honneur y est engagé. Je disais tout à l’heure que nous étions pauvres comme Job… mais voyez, pourtant : non loin d’ici je possède une maison où je vais vous conduire. Puisque Othon le Prince est à bas, il nous faut essayer ce que peut faire Othon le Chasseur. Voyons, Séraphine, montrez que vous me pardonnez, et occupons-nous de cette évasion… et allons-y aussi gaiement que possible. Vous disiez autrefois, chère amie, que, sauf comme époux et comme prince, j’étais un assez gentil compagnon. Je ne suis plus ni prince ni mari, vous pouvez donc sans remords agréer ma compagnie. Allons, voyons, ce serait sottise que de nous laisser prendre. Pouvez-vous encore marcher ? Oui ? Eh bien, en route !

Et il commença à prendre les devants.

Un peu plus bas, la route passait par une seule arche au-dessus d’un ruisseau assez considérable. Le long de cette eau babillarde, au fond d’une gorge verdoyante, descendait un sentier, ici rocheux, raboteux, s’accrochant aux lianes du ravin, là embarrassé de broussailles, ou bien encore s’étendant pendant quelques pas sur un gazon frais et uni, véritable rond-point des lutins. On voyait l’eau sourdre comme d’une éponge le long des parois de la montagne ; le ruisseau, augmentant toujours de forcé et de volume, à chaque ressaut plongeait plus lourdement, formait un tourbillon plus large. Ce petit cours d’eau avait travaillé dur et longtemps, et sur son chemin avait accompli de grandes et admirables transformations ;