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HEUREUSE INFORTUNE

vous amusez à jouer avec ma faiblesse, et quelquefois aussi je prends plaisir à cette comédie… Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui vous vous montrerez l’amie loyale, sérieuse, l’amie solide, et vous souffrirez que j’oublie que vous êtes belle et que je suis faible. Voyons, chère comtesse, aujourd’hui laissez-moi me reposer sur vous.

Il lui tendit la main en souriant et elle la prit franchement. — Je crois, en vérité, que vous m’avez ensorcelée, dit-elle. Puis, avec un éclat de rire, elle ajouta : — Allons, je brise ma baguette de fée, et il ne me reste plus qu’à vous faire mon meilleur compliment : vous vous êtes acquitté là d’un discours bien difficile à faire. Vous êtes aussi adroit, mon prince, que je suis… charmante. Et appuyant avec une profonde révérence sur ce dernier mot, certes elle en prouva toute la vérité.

— Ce n’est pas bien maintenir le traité, madame, dit le prince en saluant, que de vous montrer si belle.

— C’est mon dernier trait, répondit-elle. Je suis désarmée. Je ne tire plus qu’à poudre, ô mon prince ! Et maintenant j’ai à vous dire ceci : si vous vous décidez à quitter la prison, vous êtes libre, et je suis perdue. Choisissez !

— Madame de Rosen, répondit le prince, c’est tout choisi, et je pars. Le devoir m’appelle, devoir trop négligé par la Tête-de-Plume. Mais, n’ayez crainte, vous n’y perdrez rien. Je propose, au contraire, que vous me meniez, comme un ours enchaîné, au baron de Gondremark. J’ai perdu toute