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DE L’AMOUR ET DE LA POLITIQUE

vit disparaître, les yeux fixés sur cette scène mais l’esprit jetant de tous côtés des regards inquiets sur l’effondrement de sa vie et de ses ambitions. Personne en qui elle pût maintenant se confier… personne dont la main fût amie ou de qui elle osât attendre même la plus élémentaire loyauté ! Avec l’écroulement de Gondremark s’écroulaient aussi son parti et sa courte popularité.

Elle demeura là, blottie sur le banc de la fenêtre, le front contre la fraîcheur de la vitre, sa robe déchirée la protégeant à peine, son âme se débattant au milieu de l’amertume de ses pensées.

Cependant les conséquences s’amoncelaient, et dans le silence trompeur de la nuit s’ourdissait la ruine, fermentait la révolte rouge. La litière était sortie par les grilles du palais et avait pénétré dans la ville. Par quelle panique volante, par quel frémissement de l’air s’en était propagé la nouvelle, nul ne saurait le dire. Mais la commotion du palais s’était déjà répandue dans la région des bourgeois, et y avait trouvé un écho. La rumeur, de son puissant murmure, en bruissait déjà par la ville. Sans savoir pourquoi, les hommes sortaient de leurs maisons ; les groupes se formaient le long du boulevard ; sous les rares réverbères et les grands tilleuls, la foule devenait noire.

Et ce fut au milieu de cette foule expectante que se présenta le spectacle inusité d’une litière fermée, et qu’on vit, trottant menu derrière le cortège, le grand dignitaire d’État, le chancelier Greisengesang. Sur son passage on regarda en silence ; lui passé, les murmures débordèrent