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DE L’AMOUR ET DE LA POLITIQUE

Nous avons entendu des cris, une chute. Serait-il arrivé quelque accident ?

— Non, rien, dit Séraphine. Mais je désirerais vous parler. Renvoyez les autres.

Elle haletait entre les phrases, mais maintenant son esprit était lucide. Elle laissa retomber de chaque côté les plis de la portière, avant de retirer le verrou. Ainsi précautionnée contre tout coup d’œil du dehors, elle laissa entrer l’obséquieux chancelier, et verrouilla de nouveau la porte.

Greisengesang se démena un instant dans les rideaux, de sorte qu’ils en émergèrent tous deux en même temps.

— Dieu du ciel ! s’écria-t-il. Le baron !

— Je l’ai tué, dit-elle. Oh ! tué !…

— Mon Dieu, fit le vieux gentilhomme, voici qui n’a guère de précédents. Querelle d’amoureux, ajouta-t-il lamentablement, redintegratio… Là il s’arrêta. — Mais, chère Madame, reprit-il soudain, au nom de tout ce qui est possible, qu’allons-nous faire ? Ceci est excessivement grave. Moralement parlant, Madame, c’est épouvantable. Je prends la liberté, Altesse, de vous parler comme à une fille, une fille que j’aime quoique avec respect… et je dois dire que je ne puis vous cacher que, moralement, ceci est fort douteux. Et puis, oh ! mon Dieu, nous avons là un cadavre !

Elle l’avait observé attentivement. Son espoir se fondit en mépris. Elle se détourna avec dédain d’une pareille faiblesse, et dans cet acte même sentit les forces lui revenir.

— Voyez s’il est mort ! dit-elle. Pas un mot d’explication ou de défense : elle eût dédaigné de