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DE L’AMOUR ET DE LA POLITIQUE

pour vos vertus ! Vous les poussez presque jusqu’au vulgaire. Et cette ingratitude…

— De grâce, comprenez-moi bien, Madame, répliqua le prince en rougissant plus fort. Il ne s’agit pas plus ici de reconnaissance que d’orgueil. Vous vous trouvez (par quelle circonstance ? je ne sais, mais sans doute poussée par votre bienveillance) mêlée à des affaires qui ne regardent que ma famille : il vous est impossible de savoir ce que ma femme, votre souveraine, peut avoir eu à souffrir. Il ne vous appartient pas, ni à moi non plus, de porter jugement. Je me reconnais en faute, et ce serait d’ailleurs une bien vaine jactance que de parler d’amour, et de regimber en même temps devant une petite humiliation. On a écrit et répété sur tous les tons qu’on doit mourir pour l’amour de sa dame… pourquoi n’irait-on point en prison ?

— L’amour ? Mais en quoi l’amour vous oblige-t-il à vous laisser claquemurer ? s’écria la comtesse, en appelant aux murs et au plafond. Dieu sait que je fais cas de l’amour autant qu’âme qui vive : ma vie en fait foi. Mais je n’admets pas l’amour, du moins chez un homme, sans la réciproque… Hors cela, ce n’est que sornette.

— Moi, Madame, bien que, j’en suis certain, il soit impossible de comprendre l’amour plus tendrement que la personne à qui je suis redevable de tant de bonté, je le comprends d’une façon plus absolue, répondit le prince. Mais, à quoi bon tout cela ? Nous ne sommes pas ici pour tenir cour de troubadours.

— Mais enfin, répliqua-t-elle, vous oubliez une