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PRINCE ERRANT

La date précise de l’année de grâce où commence ce récit peut être abandonnée aux conjectures du lecteur ; mais quant à la saison (ce qui, dans un conte comme celui-ci, est plus important), il est bon d’établir que le printemps était alors assez avancé pour que le montagnard, entendant tout le jour résonner le cor vers le nord-ouest du territoire, pût se dire que le prince Othon et ses chasseurs couraient les bois pour la dernière fois jusqu’à l’arrivée de l’automne.

Sur ses confins du nord-ouest, les hauteurs du Grunewald s’affaissent rapidement, déchirées çà et là en escarpes rocheuses ; l’aspect désert et sauvage du terrain forme un contraste frappant avec celui de la plaine au delà, riche et cultivée. À cette époque, deux voies seulement la traversaient ; l’une, la route impériale, menant à Brandenau en Gérolstein, s’allongeait obliquement sur la côte en suivant les pentes les plus douces ; l’autre, au contraire, ceignait en bandeau le front même des cimes, s’engouffrant dans les gorges et trempant dans l’écume des cascades : à un endroit, elle contournait une certaine tour ou maison forte qui s’élevait à pic sur la lèvre d’un formidable précipice, d’où la vue s’étendait des frontières de Grunewald aux riches et populeuses plaines de Gérolstein. Le Felsenburg (ainsi s’appelait cette tour) servait tantôt de prison, tantôt de rendez-vous de chasse ; et quoiqu’elle fût, à l’œil nu, d’apparence si abandonnée, les bons bourgeois de Brandenau, de leur terrasse de tilleuls où ils se promenaient le soir, pouvaient avec l’aide d’une lunette d’approche en compter les fenêtres.