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DE L’AMOUR ET DE LA POLITIQUE

Tous deux avaient pris un air dangereux, et le silence dura pendant un espace de temps fort appréciable. Mais elle s’empressa d’avoir le premier mot, et avec un rire franc et clair : — Ne faites donc pas l’enfant ! dit-elle. Vraiment vous m’étonnez. Si ce que vous m’assurez est vrai, vous n’avez aucune raison de vous méfier de moi, ni moi de vous trahir. Le difficile, c’est de faire sortir le prince de son palais, sans scandale. Ses gens lui sont dévoués, le chambellan est son esclave : un seul cri pourrait tout ruiner.

Gondremark la suivit sur ce nouveau terrain. — Il faudra, dit-il, qu’on les saisisse… qu’ils disparaissent avec lui.

— Et en même temps tout votre beau projet ! s’écria-t-elle. Jamais, quand il part à la chasse, il n’emmène ses gens : un enfant éventerait la chose. Non, non, ce plan-là est idiot… il doit avoir été inventé par Ratafia. Écoutez-moi plutôt. Vous n’ignorez pas que le prince m’adore ?

— Je sais, dit-il. Cette pauvre Tête-de-Plume… je contrecarre tout son destin !

— Eh bien, continua-t-elle, si je l’attirais hors du palais, seul, dans quelque petit coin du parc bien tranquille… au Mercure volant par exemple ? On pourrait placer Gordon dans les buissons, faire attendre la voiture derrière le Temple… Pas un cri, pas de bataille, pas de trépignements : le prince disparaît, tout simplement. Hein ? qu’en dites-vous, suis-je une alliée utile ? Mes beaux yeux sont-ils bons à quelque chose ? Ah ! Henri, ne perdez pas votre Anna, elle est puissante !

Il tapa sur la cheminée, de sa main ouverte.