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DE L’AMOUR ET DE LA POLITIQUE

c’est déjà fait… j’ai dérobé le Trésor toute seule. Il y a là trois mille deux cents écus. Oh ! pourvu que cela soit assez !

Son embarras était si visible, que le prince devint tout rêveur, la regardant dans les yeux, la main toujours étendue vers le sac pendant qu’elle le retenait par le poignet. — Vous ? dit-il enfin. Comment… Puis, se redressant : — Oh ! Madame, dit-il, je comprends ! Il faut que vous ayez vraiment une triste opinion du prince !

— Eh bien, oui, s’écria-t-elle, je mens. Cet argent, c’est le mien en toute honnêteté, le mien… le vôtre maintenant. C’était là une chose indigne de vous, que vous vous proposiez de faire. Mais j’aime votre honneur, et je me suis juré de le sauver malgré vous. Je vous en prie, laissez-moi le sauver, reprit-elle avec un changement de ton soudain et adorable. Othon, je vous en supplie, laissez-moi le sauver ! Acceptez ce rebut, des mains de votre pauvre amie qui vous aime !

— Madame… Madame, balbutia Othon, à l’extrême du désespoir, je ne puis ! Il faut que je vous quitte !

Il se leva à demi, mais, prompte comme la pensée, elle tomba devant lui, embrassant ses genoux. — Non, dit-elle, d’une voix entrecoupée, vous ne pouvez pas partir. Me méprisez-vous donc si complètement ! Qu’est-ce que cet argent ? Rien, du rebut, vous dis-je ! Je le déteste, je le gaspillerais au jeu sans en être plus riche. C’est un placement que je fais là, c’est pour me sauver de la ruine. Othon ! cria-t-elle, comme il essayait de nouveau mollement de la repousser, si vous me laissez