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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

— Sur mon âme, je ne le sais pas ! Je n’ai aucune intimité avec mon voleur d’avoine, répondit le prince. C’est pour son concours professionnel…

— Comme moi ! Ah ! vous me flattez ! s’écria-t-elle. Mais, pour m’obliger, faites une chose : laissez-moi vous trouver seul à ce banc, où il faudra que vous m’attendiez, car en cette expédition il n’y aura que la dame et son écuyer ; et que votre ami, le voleur ne s’approche pas plus près que la fontaine. Vous le promettez ?

— Madame, en toutes choses ordonnez ! Vous serez le capitaine, je ne suis que le subrécargue, répondit Othon.

— C’est bien. Et puisse le ciel nous mener tous à bon port ! dit-elle. N’est-ce pas aujourd’hui vendredi ?

Quelque chose dans le ton de la comtesse avait intrigué Othon, et avait même commencé à éveiller un soupçon.

— N’est-il pas étrange, remarqua-t-il, que j’aie choisi mon complice dans le camp même de l’ennemi ?

— Fou que vous êtes, dit-elle. Mais c’est là, du reste, votre seule sagesse, celle de reconnaître vos vrais amis. Et soudain, dans l’ombre du renfoncement de la fenêtre, elle lui saisit la main qu’elle baisa avec une sorte de passion. — Maintenant, ajouta-t-elle, partez… partez vite !

Et il partit, quelque peu saisi, et se demandant, au secret de son cœur, s’il n’était pas bien hardi en cette affaire ; car en ce moment elle avait brillé à ses yeux comme brille une pierre précieuse, et même sous la forte armure d’un autre amour, il