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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

Ce fut en d’excellentes dispositions qu’il dit adieu au vieux bonhomme, dont la voix s’était montrée si pleine de musique, et qu’il se dirigea vers le salon. Mais déjà sur l’escalier il commença à ressentir quelque componction : lorsqu’il fut entré dans la grande galerie et qu’il vit sa femme, toutes les flatteries abstraites du chancelier glissèrent de lui comme la pluie ; et de nouveau la poésie réelle de la vie se réveilla dans son âme.

Elle était assez éloignée, baignée dans la lumière d’un lustre, le dos tourné. En regardant la courbe de sa taille il se sentit saisi de défaillance physique. Là était la jeune femme, l’enfant qui avait reposé entre ses bras, qu’il avait juré de chérir… Là était ce qui valait plus que tous les succès du monde !

Ce fut Séraphine elle-même qui le remit du coup. Elle s’avança en glissant, et sourit à son mari avec une douceur outrageusement artificielle.

— Frédéric, dit-elle en zézayant, vous êtes en retard !

C’était une scène de haute comédie, telle qu’il convient aux mariages malheureux. Son aplomb le dégoûta.

Il n’y avait pas d’étiquette à ces petites assemblées. On venait et on sortait à sa guise. Les embrasures des fenêtres devenaient des nichées de couples heureux. Les causeurs se réunissaient principalement près de la grande cheminée, chacun prêt à médire du prochain. À l’autre extrémité de la salle, les joueurs jouaient. Ce fut là qu’Othon se dirigea, sans ostentation mais avec une insistance