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DE L’AMOUR ET DE LA POLITIQUE

pour un époux ! Je me suis ouvert à vous afin de pouvoir parler sans vous offenser. Et maintenant, que j’ai commencé, je continue et je finis.

— Je l’exige, dit-elle. De quoi s’agit-il ?

Othon devint cramoisi. — J’ai à vous dire ce que je voudrais bien ne pas dire, répondit-il : je vous conseille de voir moins ce Gondremark.

— Gondremark ? Et pourquoi cela ? demanda-t-elle.

— C’est l’intimité entre vous, Madame, qui est la cause de cette médisance, dit Othon, non sans fermeté ; d’une médisance qui pour moi est une douleur cruelle, et qui tuerait vos parents si elle parvenait à leurs oreilles.

— Vous êtes le premier, dit-elle, qui m’en ayez donné connaissance. Je vous en remercie.

— Ce serait peut-être avec raison, répondit-il. Peut-être suis-je le seul entre vos amis…

Mais elle l’interrompit : — Oh ! laissons là mes amis ! Mes amis sont d’étoffe différente. Vous êtes venu ici pour faire parade de sentiment. Depuis combien de temps ne vous ai-je pas vu ? J’ai régi votre royaume pour vous pendant ce temps, et en cela je n’ai reçu aucun secours de vous. À la fin, quand je suis fatiguée d’un travail d’homme et que vous êtes lassé, vous, de vos jouets, vous venez me faire une scène de reproches conjugaux ! L’épicier et sa femme ! Les positions sont trop renversées, et vous pourriez au moins comprendre que je ne puis à la fois m’occuper du travail de votre gouvernement, et me conduire comme une petite fille. La médisance, c’est l’atmosphère dans laquelle nous vivons, nous autres princes, et c’est ce qu’un