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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

puisque « amusé » doit être le mot. Pourtant il y aurait beaucoup à dire de mon côté. Vous devez me croire terriblement enamouré de la chasse : Il y a cependant eu des jours où j’ai ressenti un grand intérêt pour ce que, par politesse, on voulait bien appeler mon gouvernement. J’ai toujours eu des prétentions au bon goût, et j’ai toujours discerné la différence qui existe entre la terne routine et le bonheur vivant. Si j’avais eu le choix, jamais, par exemple, je n’aurais hésité entre la chasse et le trône d’Autriche, entre la chasse et votre compagnie. Vous étiez jeune fille, un bouton de rose, quand vous me fûtes accordée…

— Ciel, s’écria-t-elle, allez-vous me faire une scène d’amour !

— Je ne me rends jamais ridicule, dit-il, c’est là mon seul mérite ; et vous pouvez être certaine que ceci va être une scène de mariage à la mode. Mais quand je me rappelle les commencements, ce n’est que la plus élémentaire courtoisie d’en parler avec douleur. Soyez juste, Madame : vous me trouveriez étrangement impoli d’évoquer le souvenir de ces jours passés sans avoir la décence d’exprimer mes regrets. Soyez même un peu plus juste encore, et avouez, ne serait-ce que par complaisance, que vous-même vous le regrettez, ce passé.

— Je n’ai rien à regretter, dit la princesse. Vous m’étonnez. Moi qui vous croyais si heureux !

— Il y a heureux et heureux : il y a tant de centaines de manières de l’être ! Un homme peut trouver le bonheur dans la révolte ; il peut le trouver dans le sommeil ; le vin, le changement