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DE L’AMOUR ET DE LA POLITIQUE

fixons pour la première fois les yeux de l’Europe sur Grunewald, et, selon les négociations des trois prochains mois, remarquez-le bien, nous résistons ou nous croulons. C’est là, Madame, ajouta-t-il d’un air presque sombre, que j’aurai à compter sur vos conseils. Si je ne vous avais pas vue à l’œuvre, si je ne connaissais pas la fertilité de votre esprit, j’avoue que je tremblerais pour les conséquences. C’est sur ce terrain-là que les hommes sont forcés de reconnaître leur incapacité. Tous les grands négociateurs qui n’étaient pas des femmes ont du moins eu une femme à leur côté. Madame de Pompadour fut mal servie ; elle n’avait pas trouvé son Gondremark. Mais quel puissant politique ! Et Catherine de Médicis… quelle justesse de vue, quelle promptitude de moyens, quelle élasticité dans la défaite ! Mais, hélas, Madame, ses Tête-de-Plume à elle étaient ses propres enfants ! Elle avait, de plus, un coin vulgaire, un trait bourgeois dans le caractère… elle permettait aux liens et aux affections de famille de restreindre sa liberté d’action.

Ces singuliers aperçus historiques, strictement ad usum Seraphinæ, ne semblèrent pas produire le charme qui d’ordinaire calmait la princesse. Il était clair que, pour le moment, elle avait perdu goût pour ses propres résolutions, car elle persista dans sa résistance à son conseiller. Elle le regarda, les paupières demi-closes, et avec une ombre de raillerie sur ses lèvres : — Que les hommes sont enfants, dit-elle ; comme ils adorent les grands mots ! Beau courage, vraiment ! S’il vous fallait récurer des casseroles, monsieur de Gondremark,