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cour se faisaient néanmoins familiers, et nous flattaient, loin de nous humilier. Il ne s’en départit point de tout le repas, buvant à ma santé avec un égard sensible, se tournant pour adresser à John un mot aimable, caressant la main de son père, contant avec gaieté des bribes de ses aventures, rappelant avec bonheur les souvenirs de passé ; – tout ce qui émanait de lui était si plein de grâce et d’accord avec sa distinction personnelle, que je ne m’étonnais pas de voir Mylord et Mme Henry avec des visages rayonnants, et derrière eux John faire son service avec des yeux pleins de larmes.

Sitôt le souper terminé, Mme Henry se leva pour se retirer.

– Tiens, ce n’était pas votre habitude, Alison, dit le Maître.

– Ce l’est, à présent, répondit-elle ; – ce qui était notoirement faux ; – et je vous donne le bonsoir, James, et je salue votre retour… d’entre les morts, – acheva-t-elle après une hésitation, et d’une voix défaillante.

Le pauvre Mr. Henry, qui avait fait durant le repas une assez piètre figure, s’assombrit encore : il aima de voir sa femme se retirer, malgré le déplaisir de songer aux motifs qui la poussaient ; et l’instant d’après, il fut confondu par la chaleur de son discours.

De mon côté, je sentis que j’étais de trop ; et j’allais suivre l’exemple de Mme Henry, mais le Maître s’en aperçut.

– Ceci, Mr. Mackellar, dit-il, n’est guère aimable. Je ne vous laisse par sortir : vous faites du fils prodigue un étranger ; et cela, laissez-moi vous le rappeler, sous le toit de ses pères ! Allons, rasseyez-vous, et buvez à la santé de Mr. Bally !

– Certes oui, Mr. Mackellar, dit Mylord, nous ne ferons un étranger pas plus de lui que de vous. Je disais justement à mon fils, ajouta-t-il, – en soulignant le mot avec sa complaisance ordinaire, – combien nous apprécions tous vos services amicaux.

Je me rassis donc, et demeurai en silence, jusqu’à