Page:Stevenson - Le Maître de Ballantrae, 1989.djvu/268

Cette page n’a pas encore été corrigée

lisse comme celle d’un bébé quand nous l’avons déposé là.

– On dit que le poil pousse sur les morts, fit observer Sir William : mais sa voix était faible et embarrassée.

Secundra, sans faire attention à nos remarques, creusait aussi vite qu’un chien dans la terre meuble. D’instant en instant les formes du Maître, enveloppées dans la robe de buffle, devenaient plus distinctes au fond du trou ; la lune éclairait fortement, et les ombres des assistants, selon qu’ils approchaient ou se reculaient, tombaient et passaient sur l’homme en train d’émerger. Le spectacle nous poignait d’une horreur inconnue. Je n’osais regarder Mylord au visage ; mais, tant que dura la chose, je ne le vis pas respirer une seule fois, et l’un des hommes, qui se tenait un peu en arrière (je ne sais qui), éclata en sanglots.

– Maintenant, dit Secundra, vous aider moi retirer lui dehors.

Du temps qui s’écoula, je n’ai pas la moindre idée ; ce fut peut-être durant trois heures, ou bien cinq, que l’Indien peina pour ranimer le corps de son maître. Je sais seulement qu’il faisait toujours nuit, et que la lune, non encore couchée, mais déjà très basse, barrait le plateau de longues ombres, quand Secundra poussa un léger cri de satisfaction. Je me penchai vivement, et crus distinguer une modification sur les traits glacés du déterré. Un instant plus tard, je vis battre ses paupières, puis elles se soulevèrent tout à fait, et ce cadavre d’une semaine me regarda en face durant quelques instants.

Qu’il ait montré ce signe de vie, je puis quant à moi en jurer. J’ai ouï dire à d’autres qu’il s’efforça visiblement de parler, que ses dents apparurent dans sa barbe, et que son front se plissa d’une sorte d’agonie douloureuse. Cela se peut, je ne sais, j’étais occupé ailleurs. Car sitôt que se furent ouverts les yeux du mort, Mylord Durrisdeer tomba sur le sol, et quand je le relevai, il n’était plus qu’un cadavre.