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– Enterré et pas mort ? exclama Sir William. Quelle stupidité nous racontez-vous là ?

– Voyez, sahib, dit Secundra. Le sahib et moi, seuls avec assassins ; essayer tous moyens d’échapper, aucun moyen bon. Alors essayer ce moyen : bon moyen pays chaud, bon moyen dans l’Inde ; ici dans cet endroit damnément froid, qui sait ? Je vous dis dépêchez-vous vite : vous aider, vous allumer un feu : aider frictionner.

– Qu’est-ce qu’il raconte là ? s’écria Sir William. La tête me tourne.

– Je vous dis, je enterrer lui vivant. Je enseigner lui avaler sa langue. Maintenant déterrer lui, dépêchez-vous vite, et lui pas de mal. Vous allumer du feu.

Sir William se tourna vers les plus rapprochés de ses hommes.

– Allumez du feu, dit-il. Il paraît que mon sort est de ne rencontrer que des fous.

– Vous homme bon, répondit Secundra. Maintenant je déterre le sahib.

Tout en parlant il revint à la tombe et se remit à la besogne. Mylord semblait avoir pris racine, et moi, à son côté, je redoutais je ne savais quoi.

La gelée n’était pas encore très profonde, et bientôt l’Indien rejeta sa pioche, et se mit à retirer la terre à pleines mains. Puis il dégagea le pan d’une robe de buffle ; et puis je vis des cheveux pris entre ses doigts ; un instant plus tard, la lune brillait sur quelque chose de blanc. Alors Secundra s’accroupit sur les genoux, raclant avec ses doigts graciles, respirant les joues gonflées ; et quand il s’écarta un peu, je vis la face du Maître complètement dégagée. Elle était d’une pâleur mortelle, les yeux clos, les oreilles et les narines bouchées, les joues creusées, le nez aminci comme chez les morts ; mais, bien qu’il fût demeuré tant de jours sous terre, la décomposition ne l’avait pas atteint, et (ce qui nous fit à tous un effet étrange) ses lèvres et son menton étaient revêtus d’une barbe épaisse.

– Mon Dieu ! s’écria Mountain, il avait la figure