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Secundra, l’attention tout absorbée dans sa besogne, ne s’aperçut de rien.

J’entendis Mountain chuchoter à Sir William : « Bon Dieu ! c’est la tombe ! Il est en train de le déterrer ! » C’était ce que nous avions tous deviné ; mais je frémis de l’entendre formuler en paroles. Sir William sursauta violemment, et s’écria :

– Holà ! damné chien sacrilège ! Qu’est ceci ?

Secundra sauta en l’air, avec un léger cri étouffé, l’outil s’échappa de ses mains, et il resta ébahi devant son interpellateur. L’instant d’après, vif comme une flèche, il s’élança vers la forêt, mais presque aussitôt, levant les bras dans un geste de résolution véhémente, il retournait sur ses pas.

– Eh bien, alors, vous venir, vous aider… dit-il. Mais Mylord s’était avancé jusqu’auprès de Sir William ; la lune éclairait en plein ses traits ; et Secundra, avant même d’avoir fini sa phrase, distingua et reconnut l’ennemi de son maître. « Lui ! » hurla-t-il en se tordant les mains et se ramassant sur lui-même.

– Allons, allons, dit Sir William. Personne ici ne vous fera de mal, si vous êtes innocent ; et si vous êtes coupable, toute retraite vous est fermée. Répondez, que faites-vous ici, entre les tombes des morts et les cadavres sans sépulture ?

– Vous pas assassin ? demanda Secundra. Vous homme loyal ? Vous mettre moi en sûreté ?

– Je vous mettrai en sûreté si vous êtes innocent, répliqua Sir William. Je vous l’ai déjà dit ; et vous n’avez pas de raison d’en douter.

– Là tous assassins, s’écria Secundra, voilà pourquoi ! Lui tuer… assassin, – (et il désigna Mountain) – ces deux loue-assassins – (il désigna Mylord et moi-même) – tous assassins pour le gibet ! Ah ! je voir vous tous au bout d’une corde. Maintenant je vais sauver le sahib : il verra vous tous au bout d’une corde. Le sahib – (il désigna la tombe) – lui pas mort. Lui enterré, lui pas mort.

Mylord poussa un léger grognement, se rapprocha de la tombe, et ne la quitta plus des yeux.