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en jetant un coup d’œil par-dessus mon épaule, voir sur leurs joues une pâleur autre que celle de la lune : les rais de l’astre mettaient un reflet brillant sur les yeux de certains et l’ombre noire emplissait les orbites des autres (selon qu’ils levaient ou baissaient la tête pour écouter), de telle sorte que tout le groupe offrait un aspect étrange d’animation et d’inquiétude. Mylord était au-devant d’eux, à demi penché, la main levée comme pour imposer silence, – changé en statue. Et toujours les sons s’élevaient, renouvelés à perdre haleine sur un rythme précipité.

Soudain, Mountain parla, d’une voix haut-chuchotante et entrecoupée, comme celle d’un homme délivré.

– Je comprends tout, maintenant, dit-il ; et, chacun se tournant pour l’écouter, – l’Indien devait connaître la cache. C’est lui, lui en train de déterrer le trésor !

– Oui, c’est évident, s’écria Sir William. Quelles oies nous étions de ne l’avoir pas deviné !

– Pourtant, reprit Mountain, le bruit est tout proche de notre camp. Et, vrai, je ne vois pas de quelle façon il a pu y être avant nous, à moins qu’il n’ait des ailes !

– La cupidité et la peur sont des ailes, fit observer Sir William. Mais ce bandit nous a donné une alerte, et j’ai bonne envie de lui rendre la pareille. Que dites-vous, gentlemen, d’une chasse au clair de lune ?

La chose fut agréée ; on se disposa à prendre Secundra sur le fait ; quelques Indiens de Sir William partirent en avant ; et une forte garde étant laissée à notre quartier général, on se mit en marche sur le sol accidenté de la forêt. Le givre craquait, la glace éclatait parfois bruyamment sous le pied ; et nous avions sur nos têtes la noirceur de la pinède, et la clarté intermittente de la lune. Notre chemin descendit dans un creux, et à mesure que nous nous y enfoncions, le bruit diminuait, et il s’évanouit presque. L’autre versant était plus découvert, parsemé simplement de quelques