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Mylord, en mettant son chapeau et me tournant le dos. C’est une chose singulière que vous preniez ainsi plaisir à me tourmenter. Un ami… mais il ne s’agit pas de cela. C’est une chose singulière. Je suis un homme que le mauvais sort n’a cessé de poursuivre. Je suis entouré de trames. Je ne fais que rencontrer des embûches. Le monde entier est ligué contre moi.

– Je ne raconterais pas de telles absurdités, si j’étais vous, dis-je ; mais je vais vous dire ce que je ferais. – Je me plongerais la tête dans l’eau froide, car vous avez bu la nuit dernière plus que vous n’en pouvez supporter.

– Croyez-vous ? dit-il, d’un air vivement intéressé. Cela me ferait du bien ? Je ne l’ai jamais essayé.

– Je me rappelle le temps où vous n’aviez pas besoin d’essayer, et je souhaite, Mylord, qu’il revienne. Mais la vérité est que si vous continuez ces excès, ils finiront par vous causer du désagrément.

– Il me semble que je ne supporte plus la boisson comme autrefois, dit Mylord. Je suis dompté par elle, Mackellar. Mais je ferai plus attention.

– C’est ce dont je vous prierais, répliquai-je. Il faut vous souvenir que vous êtes le père de Mr. Alexander : faites donc en sorte que l’enfant reçoive de vous un nom sans tache.

– Oui, oui, dit-il, vous êtes un homme de sens, Mackellar, et avez longtemps été à mon service. Mais je crois que vous n’avez plus rien à me dire ? ajouta-t-il, avec cette vivacité ardente et puérile qui lui était devenue si familière.

– Non, Mylord, plus rien, dis-je, assez sèchement.

– Alors, je m’en vais, dit Mylord, continuant à me regarder, tambourinant sur son chapeau qu’il avait retiré de nouveau. Je suppose que vous n’aurez pas à sortir. Non ? Je dois voir Sir William Johnson, mais je me tiendrai sur mes gardes. – Il resta une minute silencieux, puis, souriant : – Vous rappelez-vous cet endroit, Mackellar, – un peu avant Engles, – où le torrent coule très encaissé sous un bois de hêtres ? Je me rappelle y avoir été dans ma jeunesse – mon Dieu !