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cela gâterait votre attitude. Vous pouvez maintenant vous permettre (croyez-moi) d’être un peu aimable ; car je n’ai pas seulement une défaite à supporter. J’avais l’intention de poursuivre ce jeu tant que j’aurais amassé de l’argent pour un certain but. Je l’avoue franchement, je n’en ai pas le courage. Vous désirez, bien entendu, me voir quitter la ville ; je suis arrivé par une autre route à la même idée. Et j’ai une proposition à vous faire ; ou, si Votre Seigneurie l’aime mieux, une faveur à vous demander.

– Demandez, répondit Mylord.

– Vous avez peut-être ouï dire que j’ai eu autrefois dans ce pays un trésor considérable, reprit le Maître ; qu’on vous l’ait dit ou non, peu importe ; – tel est le fait ; et je fus contraint de l’enfouir en un lieu sur lequel j’ai des repères suffisants. C’est à recouvrer ce trésor que mon ambition se borne aujourd’hui ; et, comme il est à moi, vous ne me le chicanerez pas.

– Allez le chercher, dit Mylord. Je n’y vois pas d’inconvénient.

– Oui, dit le Maître ; mais, pour ce faire, il me faut des hommes et des moyens de transport. La route est longue et difficile, et le pays infesté d’Indiens sauvages. Avancez-moi seulement le nécessaire ; soit une somme globale, tenant lieu de mon allocation ; ou, si vous l’aimez mieux, sous forme de prêt, remboursable à mon retour. Et alors, si vous acceptez, vous m’aurez vu pour la première fois.

Mylord le regarda dans le blanc des yeux ; il avait sur les traits un sourire dur ; mais il ne dit rien.

– Henry, dit le Maître, avec une tranquillité redoutable, et se reculant un peu, – Henry, j’ai l’honneur de vous parler.

– Retournons à la maison, me dit Mylord, comme je le tirais par la manche ; et, se levant, il s’étira, assura son chapeau, et, toujours sans une syllabe de réponse, se mit en route paisiblement le long du quai.

J’hésitai une seconde entre les deux frères, car nous touchions à une crise aiguë. Mais le Maître avait repris son ouvrage, les yeux baissés, la main en apparence