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semaine, et il m’en a fallu près de trois. Mais peu importe, je me rattraperai ; je voyagerai d’autant plus vite.

– Mais avez-vous l’argent nécessaire ?

– Oui, cher et ingénu personnage, je l’ai, dit-il. Blâmez-moi si vous voulez pour ma duplicité, mais cependant que je soutirais des shillings à mon papa, j’avais mis à part une réserve en prévision des mauvais jours. Vous paierez votre passage, si vous tenez à nous accompagner dans notre mouvement tournant ; ce que j’ai suffira pour Secundra Dass et pour moi, mais tout juste ; – j’ai assez pour être dangereux, pas assez pour être généreux. Il y a, du reste, à notre chaise un strapontin extérieur, que je vous céderai moyennant une modeste compensation ; de sorte que toute la ménagerie fera route ensemble : le chien de garde, le singe et le tigre.

– Je vous accompagne, dis-je.

– J’y compte, dit le Maître. Vous m’avez vu battu ; je veux que vous me voyiez victorieux. Dans ce but, je hasarderai de vous faire tremper comme une soupe par ce mauvais temps.

– Et d’ailleurs, ajoutai-je, vous savez très bien que vous ne pourriez vous débarrasser de moi.

– Pas aisément, non, dit-il. Vous avez mis le doigt dessus avec votre parfait bon sens habituel. Je ne lutte jamais contre l’inévitable.

– Je suppose que les prières seraient inutiles avec vous ?

– Tout à fait, croyez-m’en.

– Et pourtant, si vous consentiez à me donner le loisir d’écrire… commençai-je.

– Et que répondrait Mylord Durrisdeer ?

– Oui, dis-je, c’est là le hic.

– Et en tout cas, voyez combien il sera plus expéditif que j’y aille moi-même ?… Mais nous perdons notre salive. Demain matin à sept heures, la chaise sera devant la porte. Car je pars de la porte, Mackellar ; je ne me faufile pas à travers bois pour retrouver ma chaise sur la route – dirai-je à Engles ?