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Mr. Bally. Mais je vais faire entrer un peu de jour, et jeter un coup d’œil sur vous.

Et, ce disant, j’ouvris les volets de la fenêtre de l’Est.

À la lumière du matin, je pus voir que l’homme avait changé. Plus tard, quand nous fûmes tous réunis, je fus frappé davantage de voir combien le temps l’avait peu éprouvé ; mais ce premier abord fut différent.

– Vous vous faites vieux, dis-je.

Une ombre passa sur son visage.

– Si vous vous voyiez, vous n’insisteriez pas là-dessus.

– Baste ! répliquai-je, la vieillesse ne me dérange pas. Je me figure que j’ai toujours été âgé ; et me voici à présent, grâce à Dieu, mieux connu et plus considéré qu’autrefois. Tout le monde ne peut en dire autant, Mr. Bally ! Les rides de votre front marquent des calamités ; votre vie se referme sur vous comme une prison ; bientôt la mort viendra frapper à la porte, et je ne vois pas trop de quelle source vous tirerez vos consolations.

Ici, le Maître s’adressa en hindoustani à Secundra Dass, d’où je conclus (et non sans quelque plaisir, je l’avoue) que ma remarque lui était désagréable. Cependant, on peut bien penser que j’avais d’autres soucis, alors même que je raillais mon ennemi. Avant tout, je me demandais par quel moyen communiquer en secret et vite avec Mylord. Sur ce problème, durant le bref répit qui m’était accordé, je concentrai toutes les forces de mon âme ; lorsque soudain, levant les yeux, je découvris Mylord lui-même debout dans le cadre de la porte, et selon toute apparence, parfaitement calme. Il n’eut pas plus tôt rencontré mes yeux, qu’il franchit le seuil. Le Maître l’entendit venir, et s’avança de son côté. À quatre pieds d’intervalle, les deux frères firent halte, et restèrent à échanger des regards assurés ; puis Mylord sourit, fit une légère inclination, et se retourna vers moi, vivement.

– Mackellar, dit-il, il nous faut faire déjeuner ces voyageurs.

Évidemment, le Maître était un peu décontenancé ;