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d’une étrangère égarée) qui vint s’asseoir au foyer de mes pères, quelques générations auparavant, et y séjourna environ une semaine, parlant fréquemment dans une langue qui ne disait rien à ses auditeurs ; et elle s’en alla comme elle était venue, sous le couvert de la nuit, et sans laisser même un nom derrière elle. J’avais tant soit peu de peur, mais encore plus de curiosité ; j’ouvris donc la porte, et entrai dans la salle.

La vaisselle du souper garnissait encore la table ; les volets étaient encore fermés quoique le jour pénétrât par leurs interstices ; et la vaste salle était éclairée uniquement par une seule bougie et les reflets mourants du feu. Devant l’âtre, il y avait deux hommes assis.

L’un, qui était enveloppé dans un manteau, et qui portait des bottes, je le reconnus tout de suite : l’oiseau de mauvais augure était de retour. De l’autre, qui se tenait tout contre les tisons rouges, ramassé sur lui-même, à l’instar d’une momie, je voyais seulement que c’était un étranger, d’un teint plus foncé que n’importe quel Européen, d’une constitution très frêle, avec un front singulièrement élevé, et un œil impénétrable. Plusieurs paquets et une petite valise gisaient au milieu de la pièce ; et à en juger sur ce modeste bagage, et sur les bottes du Maître, grossièrement rafistolées par un savetier de village peu scrupuleux, le méchant n’avait guère prospéré.

À mon entrée, il se leva ; nos regards se croisèrent, et je ne sais pourquoi, mon courage s’éleva comme une alouette dans un matin de mai.

— Ha ha ! dis-je, c’est donc vous ? – Et je fus enchanté de mon ton dégagé.

– Moi-même en personne, digne Mackellar, répliqua le Maître.

– Cette fois-ci, vous avez ramené ostensiblement « le chien noir » avec vous, continuai-je.

– Cela s’applique à Secundra Dass ? demanda le Maître. Permettez-moi de vous présenter. C’est un gentilhomme natif de l’Inde.

– Hum ! fis-je. Je n’aime guère ni vous ni vos amis,