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la pauvre délaissée Miss Katharine ; et moi, de mon côté, j’en arrivais de plus en plus à passer mes heures de loisir avec la mère et la fille. J’attachais peut-être trop d’importance à cette division, car la famille était relativement heureuse ; pourtant le fait était là ; mais Mylord s’en apercevait-il ou non, je l’ignore. Je ne le crois pas, tant il était féru absolument de son fils ; mais nous autres le savions, et cette connaissance nous faisait parfois souffrir.

Ce qui nous inquiétait surtout, néanmoins, était le danger réel et croissant qui en résultait pour le petit. Mylord était son père ressuscité ; on pouvait craindre qu’à son tour le fils ne devînt un second Maître. Le temps a fait voir que ces craintes étaient fort exagérées. À coup sûr, il n’est pas aujourd’hui de plus digne gentilhomme dans toute l’Écosse, que le septième lord Durrisdeer. Touchant mon abandon de son service, il ne m’appartient pas de rien dire, surtout dans ces mémoires écrits uniquement pour justifier son père…

NOTE DE L’ÉDITEUR

On omet ici cinq pages du manuscrit de M. Mackellar. Leur lecture m’a laissé l’impression que celui-ci, dans sa vieillesse, était devenu un serviteur assez exigeant. Contre le septième lord Durrisdeer (avec lequel, en tout cas, nous n’avons rien à voir) il n’allègue aucun fait précis.

R.L.S.

… Mais nous avions la crainte, à cette époque, qu’il ne devînt, en la personne de son fils, une seconde édition de son frère. Mylady avait tenté d’instaurer un peu de saine discipline ; elle avait dû y renoncer, et laissait aller les choses, avec un secret déplaisir. Elle hasardait parfois quelques allusions ; et parfois, lorsqu’il lui revenait un exemple trop abusif de l’indulgence de Mylord, elle se trahissait par un geste, voire une exclamation. Quant à moi, cette crainte me hantait jour et nuit, moins à cause de l’enfant qu’à cause du père. Celui-ci s’était endormi, il rêvait son rêve, et un