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– Vous pouvez interroger Mackellar ; il était là, et il a tout vu.

– Est-ce vrai, Mr. Mackellar ? demanda le petit. Avez-vous vu réellement le diable ?

– Je ne connais pas l’histoire, répliquai-je ; et j’ai des affaires pressantes.

Ce fut tout ce que je dis, un peu aigrement, pour dissimuler mon embarras, et soudain l’amertume du passé avec cette affreuse scène aux bougies me remontèrent à la mémoire. Je m’avisai que, pour une différence d’une seconde dans la rapidité de la parade, cet enfant que j’avais sous les yeux eût pu ne jamais naître ; et l’émotion qui ne manquait jamais d’assaillir mon cœur sous cette sombre charmille se fit jour en ces mots :

– Mais ce qui est vrai, c’est que j’ai rencontré le diable dans ce bois, et que je l’ai vu désarmer. Loué soit Dieu que nous nous en soyons tirés vivants… Loué soit Dieu qu’il reste pierre sur pierre des murailles de Durrisdeer. Ah ! Mr. Alexander, quand vous reviendrez ici, fût-ce dans cent ans, et dans la plus belle et gaie société du pays, n’oubliez pas de vous recueillir un instant pour prier.

Mylord hocha gravement la tête.

– Ah ! dit-il, Mackellar a toujours raison. Oui, ôtez votre coiffure (lui-même se découvrit et étendit la main). Ô Seigneur, reprit-il, je Te remercie, et mon fils Te remercie, pour Tes grandes et manifestes bontés. Accorde-nous un peu de répit ; défends-nous du méchant. Frappe-le, Ô Seigneur, sur sa bouche menteuse !

Ces derniers mots lui échappèrent comme un cri ; et là-dessus, soit que la colère remémorée lui coupât la parole, ou soit qu’il s’aperçût de l’étrangeté de sa prière, il s’arrêta court ; puis, une minute après, il remit son chapeau sur sa tête.

– Je crois que vous oubliez une phrase, Mylord, dis-je. Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Car le Royaume