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ayant sur la conscience tout ce qui me reste à vous dire, – répliquai-je. Vous n’avez pas été faible ; vous avez été abusé par un infernal hypocrite. Rappelez-vous comme il vous a trompé sur le danger qu’il courait soi-disant ; il vous a trompé du commencement à la fin, à chaque pas. Je veux l’extirper de votre cœur, je veux tourner vos yeux sur votre autre fils. Ah ! c’est en lui que vous avez un vrai fils !

– Non, non, dit-il, deux fils… c’est deux fils que j’ai.

Je laissai échapper un geste de désespoir qui le surprit. Il me regarda en changeant de visage.

– Avez-vous pis encore à m’annoncer ? demanda-t-il, d’une voix défaillante.

– Bien pis, répondis-je. Cette nuit même, il a dit ces paroles à Mr. Henry : « Il n’y a pas de femme qui ne me préfère à vous, ni, je pense, qui ne continue à me préférer. »

– Je ne veux rien entendre contre ma fille, s’écria-t-il. Et sa vivacité à m’interrompre sur ce sujet me fit conclure que ses yeux n’étaient pas aussi aveugles que je l’avais cru, et qu’il avait suivi, non sans anxiété, les progrès du siège de Mme Henry.

– Je ne songe pas à la blâmer, dis-je. Il ne s’agit pas de cela. Ces paroles ont été dites en ma présence à Mr. Henry ; et si vous ne les trouvez pas assez claires, en voici d’autres qui vinrent après : « Votre femme, qui est en galanterie avec moi. »

– Ils se sont querellés ? dit-il.

Je fis un signe affirmatif.

– J’y cours, dit-il, allant une fois encore pour sortir de son lit.

– Non, non ! m’écriai-je, tendant vers lui mes mains jointes.

– Vous ne comprenez pas, dit-il. Ce sont là phrases impardonnables.

– Est-ce que rien ne vous fera comprendre, Mylord ? dis-je.

Ses yeux implorèrent la vérité.

Je me jetai à genoux contre le lit.