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Monsieur. Il est trop tard, maintenant, il faut vous ressaisir.

Il se retourna, les yeux fixés sur moi.

– Oh ! Mackellar ! dit-il, en cachant son visage entre ses mains.

Je le tirai par son habit.

– Pour Dieu, pour nous tous, soyez plus courageux ! dis-je. Qu’allons-nous faire ?

Il me montra de nouveau son visage avec le même regard stupide.

– Faire ? dit-il. Et alors son regard tomba sur le corps, et il cria : Oh ! en portant la main à son front, comme s’il ne se souvenait plus ; et, me laissant là, il s’en fut vers le château, courant et titubant.

Je demeurai un instant pensif ; puis il m’apparut clairement que mon devoir était du côté des vivants ; et je courus après lui, laissant les bougies sur le sol glacé et le cadavre gisant à leur clarté sous les arbres. Mais j’eus beau courir, il avait de l’avance sur moi, et il était rentré dans la maison et monté à la salle, où je le trouvai debout devant le feu, le visage une fois de plus entre les mains. Il tremblait visiblement.

– Mr. Henry, Mr. Henry, dis-je, ceci va causer notre perte à tous.

– Qu’est-ce que j’ai fait ? s’écria-t-il.

Puis me regardant avec une expression que je n’oublierai jamais :

– Qui va le dire au vieux ? dit-il.

Le mot me frappa au cœur ; mais ce n’était pas le moment des faiblesses. J’allai lui verser un verre d’eau-de-vie.

– Buvez cela, dis-je, buvez tout.

Je le forçai d’avaler, comme un enfant ; et comme j’étais tout transi du froid nocturne, je suivis son exemple.

– Il faut qu’il le sache, Mackellar, dit-il, il faut qu’il sache.

Et il se laissa tomber dans un fauteuil – celui de Mylord, au coin de la cheminée – et fut secoué de sanglots spasmodiques.