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V

Ce qui se passa dans la nuit du 27 février 1757


Le soir de l’entrevue racontée plus haut, le Maître sortit du château, et ne rentra que dans la journée du lendemain, ce fatal 27 février ; mais où il alla, et ce qu’il fit, personne ne se donna la peine de le demander avant le surlendemain. Si nous l’avions fait, cependant, ce que nous fîmes alors, fut fait sans rien savoir, et doit être jugé pareillement : aussi raconté-je les événements tels qu’ils nous apparurent à l’origine, et je garde tout ce que j’ai découvert depuis pour l’époque de la découverte. Car j’en suis arrivé maintenant à l’un des épisodes les plus sombres de mon récit, et je dois réclamer pour mon maître l’indulgence du lecteur.

Ce temps rigoureux dura toute la journée du 27. Le froid était mortel ; les gens que l’on croisait fumaient comme des cheminées ; les bûches s’empilaient dans l’âtre spacieux de la salle ; quelques oiseaux printaniers qui s’étaient déjà fourvoyés jusque dans nos contrées du nord assiégeaient les fenêtres du château, ou sautillaient sur le gazon gelé, comme dépaysés. Vers midi, un rayon de soleil perça, éclairant un merveilleux paysage hivernal et glacé de collines et de bois tout blancs. Là-bas, derrière le cap, le lougre de Crail attendait le vent, et de chaque ferme ou cottage, les fumées montaient droit dans l’air. Avec le soir, la trouée se referma dans la brume ; la nuit tomba, sombre, sans étoiles et excessivement froide : une nuit des plus hors de saison, digne d’événements singuliers.

Mme Henry se retira, selon sa nouvelle habitude,