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carte de l’Île au Trésor, le futur caractère du livre commençait à m’y apparaître visiblement entre des bois imaginaires. Les silhouettes bronzées et les armes brillantes de mes héros vinrent éclore pour moi de lieux inespérés, comme ils passaient, luttant et pourchassant un trésor sur ces quelques pouces carrés de ma carte.

La première chose que je vis, c’est que j’avais quelques papiers devant moi et que j’écrivais une table de chapitres.

Combien souvent j’ai fait ainsi, et tout est venu à la suite ! Mais cela semble être les éléments du succès de ce genre d’entreprises.

Ce devait être une histoire pour la jeunesse : nul besoin donc de psychologie ou de belle littérature.

J’avais un gamin près de moi comme pierre de touche.

J’étais incapable de manœuvrer un brick (comme l’Hispaniola en aurait été un), mais je pensais que je pourrais me tirer d’affaire et le faire voguer comme un schooner sans en éprouver une honte publique.

Et alors j’eus une idée pour John Silver, de qui je me promis tout un trésor de plaisirs. Je me ferais de lui un ami qu’on admire (le lecteur, très vraisemblablement, le connaît et l’admire autant que moi). Je lui enlèverais toutes ses plus fines qualités et toutes ses plus hautes grâces de tempérament, je ne lui laisserais que sa force, son courage, sa vivacité et son superbe caractère, et j’essaierais d’exprimer cela en termes appropriés à la culture d’un rude marin en suroît goudronné.

Semblable chirurgie psychique est, je pense, un chemin commun pour créer un caractère dans notre roman.

Peut-être même est-ce le seul.