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Je pouvais être comparé à un cricketer jouant depuis plusieurs années et qui n’aurait jamais fait un but.

Quelqu’un peut écrire une nouvelle courte – une mauvaise, je pense – s’il a du métier, du papier et assez de temps disponible, mais nul ne peut songer à écrire même un mauvais roman.

C’est la longueur qui tue.

Le romancier accueilli peut prendre son roman par le haut et le reprendre par le bas, peiner en vain des jours sur son livre et n’écrire que jusqu’à ce qu’il se fourvoie.

Il n’en est pas ainsi du débutant.

La nature humaine a certains droits.

L’instinct de conservation empêche qu’aucun homme qui n’est pas soutenu par la conscience d’une victoire antérieure, endure les misères d’un travail littéraire sans succès au-delà d’une période qui se mesure en semaines.

Il faut qu’il y ait quelque chose qui l’alimente d’espérance.

Le débutant doit avoir un souffle.

Une veine de chance doit l’encourager ; il doit être dans une de ces heures où les mots viennent et les phrases se balancent d’elles-mêmes, même au début.

Et même quand il s’est mis en train, quels regards terrifiés il jette devant lui, jusqu’à ce que le livre soit terminé !

Car aussi longtemps que la brise souffle sans varier, que la veine continue à courir, aussi longtemps peut-il conserver ses mêmes qualités de style, aussi longtemps ses marionnettes seront toujours vivantes, toujours fortes, toujours vigoureuses !