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UN MOT DE PRÉFACE.




L’Île au Trésor est un de ces récits qui se recommandent par eux-mêmes et n’ont pas besoin d’être présentés dans les formes. Disons seulement qu’un très vif succès l’a déjà accueilli dans le feuilleton du Temps, comme en Angleterre, et que ce succès n’est pas venu exclusivement des jeunes lecteurs à qui l’ouvrage semblait d’abord destiné. Grandes sœurs et grands frères, maîtres et parents l’ont dévoré avec un égal appétit. Cela n’a rien qui puisse étonner, en présence de l’intérêt saisissant du sujet, de l’accent si personnel du style.

À ce propos, une anecdote :

Alors qu’il était chef du cabinet britannique, M. Gladstone, rentrait un soir chez lui vers minuit, après une laborieuse séance parlementaire consacrée à la discussion du budget. Il se disposait à aller prendre un repos bien gagné, quand le hasard lui fit ouvrir l’Île au Trésor, qu’un de ses petits-fils avait laissé sur la table du salon.

L’illustre homme d’État ne saurait passer pour un esprit naïf ou illettré, accessible aux impressions vulgaires. Tout le monde connaît son érudition profonde et les beaux travaux qui l’auraient placé au premier rang des hellénistes, si l’éloquence ne l’avait mis au premier rang des politiques.

Eh bien ! dès les premières pages, le charme subtil de l’Île au Trésor agit si vivement sur cette haute intelligence que M. Gladstone en oublia tout le reste.

On vint lui dire que son lit était prêt : il renvoya, le valet de chambre et poursuivit sa lecture. Son feu tomba : il n’y prit pas garde. Enfin, vers cinq heures du matin, ayant achevé le livre, il leva les yeux et s’aperçut que le jour venait. Alors seulement il alla se coucher, riant tout seul de la façon dont il avait fait nuit blanche.

Jamais romancier eut-il un succès plus flatteur ?

P.-J. Stahl