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que le volume parut en juin 1879 et dont il disait à son cousin : « Mon livre est sous presse. Il a de bonnes pages : je n’en puis dire plus. Un chapitre intitulé Les moines ; un autre, Un campement dans les ténèbres ; un troisième, Une nuit au milieu des pins, ont, je crois, de l’étoffe comme écriture, mais des pages entières ne sont que des protestations pour F…, bien des morceaux que, je crois, vous saurez entendre. C’est pour moi l’unique cause d’intérêt. »

Voici une de ces pages décochées à l’F… mystérieuse par-delà la distance.

« J’entendis à quelques pas une voix de femme qui chantait une vieille chanson mélancolique et interminable. À ce qu’il semble, il y était question d’amour, d’un bel amoureux, son beau galant. J’aurais voulu prendre la suite et lui répondre, tout en poursuivant, invisible, ma route sous bois, et, comme Pippa dans le fourré, tissant mes pensées avec les siennes. Que lui aurais-je dit ? Pas grand’chose, et pourtant tout ce que le cœur demande : comment le monde fait des présents et les reprend, comment il rapproche les amoureux dans le seul but de les séparer encore par la distance de pays lointains et étranges, mais que l’amour est le puissant talisman qui fait de l’univers un jardin, comment « l’espoir qui vient à tous » finit par effacer les accidents de la vie, et, d’une main tremblante, atteint jusqu’au delà du tombeau et de la mort. Bien aisé à dire, cela ; mais aussi grâce à la miséricorde de