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homme qui n’en peut plus, et au moment où il ouvrit, en la poussant, la porte de l’auberge, il avait presque l’air de me porter.

La jeune fille se montra, l’air tout surpris, et il y avait de quoi, de notre prompt retour ; mais Alan ne perdit pas son temps en explications, m’approcha une chaise, me fit asseoir et demanda une tasse d’eau-de-vie, qu’il me fit avaler à petites gorgées, puis brisant le pain et le fromage, me le servit avec des façons de bonne d’enfant, le tout d’un air grave, compatissant, affectueux qui eût trompé un juge.

Il n’est pas étonnant que la jeune fille se soit prise à ce tableau que nous lui présentions, d’un jeune garçon malade, surmené, et de son dévoué camarade.

Elle se rapprocha tout près et resta debout, adossée à la table voisine.

— De quoi souffre-t-il ? demanda-t-elle enfin.

Alan se tourna vers elle, et à mon grand étonnement, il lui répondit avec une sorte de furie :

— De quoi il souffre ! Il a fait plus de centaines de milles qu’il n’a de poils au menton, et il a couché plus souvent dans la bruyère mouillée que dans des draps secs. De quoi il souffre ? a-t-elle dit ! Il souffre assez, je crois. De quoi il souffre ! Vraiment !

Et il continua à grommeler tout seul, en me donnant à manger, d’un air mécontent.

— Il a l’air bien jeune, dit la jeune fille.

— Trop jeune, dit Alan qui lui tournait le dos.

— Il ferait mieux d’aller à cheval.

— Et où pourrais-je lui trouver un cheval ? lui cria-t-il en se retournant, l’air toujours en colère. Voudriez-vous que j’en vole un ?

Je m’imaginais que cette brusquerie la ferait partir de mauvaise humeur, et en effet elle lui ferma d’abord