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Il me sembla discerner le contour d’un homme debout, sous la pluie, immobile, dans l’attitude de quelqu’un qui écoute.

Alors survint un éclair éblouissant, grâce auquel j’aperçus distinctement mon oncle, à l’endroit même où mon imagination me l’avait montré, et l’éclair fut suivi sans le moindre intervalle d’un long roulement de tonnerre.

Mon oncle prit-il ce bruit-là pour celui de ma chute, ou y entendit-il la voix de Dieu qui dénonçait un assassinat, c’est ce que je vous laisse à deviner.

Il est du moins certain qu’il fut saisi d’une forte terreur et qu’il courut dans la maison en laissant la porte ouverte derrière lui.

Je le suivis en faisant le moins de bruit possible.

J’entrai dans la cuisine, m’arrêtai et le contemplai.

Il avait trouvé le temps d’ouvrir le meuble d’encognure et d’en tirer une grande bouteille entourée de paille, contenant de l’eau-de-vie, et il était appuyé contre la table, me tournant le dos.

Il éprouvait toujours par intervalles de nouvelles crises pendant lesquelles il gémissait et tremblait de tous ses membres, et alors portant la bouteille à sa bouche, il avalait à grandes gorgées l’âpre liquide.

Je m’avançai, je vins me placer juste derrière lui, et soudain, abattant mes deux mains sur ses épaules, je criai :

— Ah !

Mon oncle poussa une sorte de cri chevrotant comme le bêlement d’un mouton, battit l’air de ses bras et tomba sur le sol comme un cadavre.

J’en fus quelque peu fâché, mais il me fallait songer à moi tout d’abord, et je ne me fis aucun scrupule de le laisser tel qu’il était.