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à lamenter la mort de son peuple. « Ici pas de Canaques », dit-elle ; et prenant le bébé de son sein, elle me le tendit à deux mains. « Tenez — un petit bébé comme celui-ci, et puis mort. Tous les Canaques mourir. Alors plus. » Ce sourire, et cet exemple donné par la fille mère avec cette réduction de sa chair et de son sang, m’affectèrent singulièrement, tant ils exprimaient de tranquille désespoir. Cependant le mari souriant faisait son sac ; et le bébé inconscient se démenait pour atteindre un pot de confiture de framboises, offrande de l’amitié, que je venais d’apporter ; et, dans le recul des siècles, je vis que leur histoire était la nôtre, je vis la mort montant comme une marée, et le jour déjà compté où il n’y aurait plus de Beretani[1], et plus personne d’aucune race, et (ce qui me touchait particulièrement) plus de travaux littéraires et plus de lecteurs.

  1. En pidgin polynésien, pour British (Anglais). (N.d.T.)