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pères entièrement éteinte, ou bien son dernier représentant, lépreux et reclus entre le ressac et la falaise, à Molokai[1] ? Si simplement, si mélancoliquement, même dans les îles de la mer du Sud, tout change.

Tari était pauvre, et pauvrement logé. Sa case était une charpente de bois élevée par les Européens ; c’était en fait sa résidence officielle, car Tari était le berger des moutons du promontoire. Voici l’inventaire général de son contenu : trois petits barils, une boîte à biscuits en fer-blanc, une poêle à frire en fer, plusieurs écuelles de coco, une lanterne, et trois bouteilles contenant sans doute de l’huile. Les hardes de la famille et quelques nattes étaient jetées en travers des poutres nues. Dès notre première rencontre, cet exilé conçut pour moi une de ces amitiés insulaires sans cause. Il me donna des cocos à boire, et m’emmena au-dessus de la grotte « pour voir ma maison » — la seule distraction qu’il eût à offrir. Il aimait les « Amélicains », disait-il, et les « Inglais », mais les « Flançais » étaient sa bête noire ; et il avait soin de nous expliquer que s’il nous avait pris pour des « Flance », il ne nous aurait pas donné de ses noix, ni fait voir sa maison. Son antipathie des Français, je la conçois en partie, mais pas du tout sa tolérance des Anglo-Saxons.

Le lendemain, il m’apporta un porc ; quelques jours après, un de nos hommes qui allait à terre le trouva prêt à m’en apporter un second. Nous n’

  1. Léproserie des îles Sandwich. (N.d.T.)