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cessèrent à peine commencés. Deux fois dans la journée, il se fit une rumeur de bergerie le long des collines regardant la mer. Parfois, une pirogue sortait pour pêcher. Parfois, une femme ou deux emplissaient languissamment une corbeille dans un carré de cotonniers. Parfois une flûte résonnait dans l’ombre d’une case, avec des variations sur ses trois notes ; cela ressemblait à Que le jour me dure ! et indéfiniment se répétait. Ou encore, pardessus un coin de la baie, deux indigènes communiquaient à la façon marquesane, par coups de sifflet conventionnels. Tout le reste était sommeil et silence. Le ressac brisait et étincelait ; une espèce de grue noire péchait dans les flaques ; les porcs galopaient sans arrêt à leurs affaires ; mais les gens ne semblaient pas s’être éveillés, ou pouvaient être tous morts.


Ma retraite favorite était à l’opposé du village, près d’un débarcadère, au fond d’une crique, sous une falaise garnie de lianes. La plage était bordée de palmiers et d’arbres appelés puraos[1], intermédiaires entre le figuier et le mûrier pour la taille et qui ont pour fleur une espèce de grand pavot jaune à cœur marron. Par endroits, les rochers empiétaient sur le sable ; la plage était entièrement submergée ; le ressac tiède bouillonnait jusqu’à mes genoux, et jouait avec des noix de coco, tout comme l’océan plus banal de chez nous joue avec des bouchons, des varechs et des bouteilles.

  1. Paritium tiriaceum, famille des malvacées. (N.d.T.)