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James’ Park ne donne qu’une faible image du Casco mouillé devant Anaho, car le Londonien a des plaisirs multiples ; mais le Marquésan s’avance vers la tombe à travers une incessante monotonie de jours.

L’après-midi qui devait précéder notre appareillage, une délégation vint à bord nous faire les adieux : neuf de nos amis particuliers chargés de présents et parés comme pour une fête. Hoka, le meilleur danseur et chanteur, le dandy d’Anaho, était l’un des plus beaux jeunes gens du monde ; grave, imposant, majestueux, léger comme une plume et fort comme un bœuf. Mais on l’eût à peine reconnu, dans cette occasion, lorsqu’il s’assit, affaissé et silencieux, le visage morne et fermé. Il était curieux de voir ce garçon tellement affecté ; plus curieux encore de reconnaître en cet ami, si bien vêtu, si visiblement ému de notre départ, l’un des sauvages à demi nus qui nous avaient assaillis et insultés à notre arrivée. Mais le plus étrange, peut-être, c’était qu’il nous offrît ce manche d’éventail sculpté, car c’était la plus précieuse de ces curiosités qui nous avaient été exhibées le premier jour. Ces curiosités, aussi longtemps que nous restâmes des étrangers, ils avaient essayé de nous les vendre à des prix exorbitants ; mais à peine étions-nous devenus leurs amis qu’ils nous pressaient de les accepter pour rien.

La dernière visite ne se prolongea pas. L’un après l’autre, ils nous serrèrent les mains et redescendirent dans leurs pirogues. Hoka tourna le