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ses visites, Hoka tomba soudain en un silence pensif, puis quitta le navire avec une froide politesse. Une fois que je fus rétabli dans ses bonnes grâces, il m’expliqua fort adroitement et exactement la nature de l’affront que je lui avais fait ; je lui avais demandé de me vendre des noix de coco, et dans l’idée de Hoka, les articles d’alimentation étaient choses qu’un gentleman doit donner, et non pas vendre, ou du moins pas à un ami. En une autre occasion, j’offrais à l’équipage de ma baleinière un goûter de chocolat et de biscuits. Je dus enfreindre, je n’ai jamais su comment, quelque règle de bienséance, car on me remercia sèchement, et ce que j’offrais resta sur la plage.

Mais notre pire bévue fut quand nous mortifiâmes Toma, père adoptif de Hoka, et à ses propres yeux chef légitime d’Anaho. Tout d’abord, nous ne lui avions pas rendu visite comme nous le devions, dans sa belle maison neuve à l’européenne, la seule du village. En outre, lorsque nous allâmes à terre pour visiter son rival, Taipikikino, c’est Toma que nous vîmes debout au bord de la plage, en sa prestance superbe, et magnifiquement tatoué, et c’est à lui que nous posâmes la question : « Où est le chef ? — Quel chef ? » s’écria Toma, en tournant le dos aux blasphémateurs. Il ne nous pardonna jamais. Hoka allait et venait quotidiennement avec nous ; mais seuls, je crois, de tout le pays, ni Toma ni sa femme ne mirent le pied à bord du Casco. Quelle tentation il surmontait, un Européen l’appréciera difficilement. La cité volante de Laputa qui jetterait l’ancre pour une quinzaine dans Saint