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l’homme ne regarde pas au-delà : il est dehors tout le jour à chercher sa pitance, et le soir, lorsqu’il a dit : « Aha ! il fait chaud ! » il n’en demande pas plus. Ou, s’il demande quelque chose d’autre, ses aspirations sont plus élevées : une belle école de poésie et de chant s’est développée sous ces toits grossiers, et un air comme « Lochaber no more[1] » est une preuve de raffinement plus convaincante, et encore plus impérissable, qu’un palais.

Sur la plate-forme d’habitation, une foule considérable de parents et de vassaux se rassemble. À l’heure du crépuscule, lorsque le feu flamboie, que le parfum du maioré[2] en train de cuire emplit l’air, que déjà peut-être la lampe brille entre les piliers de la case, on les voit réunis en silence pour le repas, hommes, femmes et enfants ; et chiens et cochons gambadent pêle-mêle sur la terrasse et l’escalier, en agitant des queues rivales. Les étrangers du navire furent vite les bienvenus : bienvenus pour plonger leurs doigts dans le plat de bois, boire le lait des cocos, partager la pipe circulante, écouter et soutenir de grandes discussions sur les méfaits des Français, le canal de Panama, ou la position géographique de San Francisco et de New-Yo’ko. Dans un hameau du Highland,

  1. « O Lochaber, je ne te verrai plus ! » Chant écossais très populaire. (N.d.T.)
  2. Fruit de l’arbre à pain, artocarpus incisa, famille des moracées. « Sa semence, dit la légende tahitienne, fut apportée du ciel par un pigeon blanc, qui mit deux lunes pour l’aller et deux pour le retour. » (N.d.T.)