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permit de connaître et m’aida à comprendre les tevas[1] de Tahiti. L’indigène n’avait plus honte de sa barbarie, le sentiment de notre parenté humaine s’éveillait en lui, et ses lèvres s’ouvraient. C’est ce sentiment de parenté que le voyageur doit susciter et partager ; sinon il fera mieux de ne voyager que du lit bleu au lit brun. Et la présence d’un cockney[2] ricaneur sera cause que toute une chambrée se renfermera dans le vague le plus nébuleux.

Le village d’Anaho est situé sur une bande de terrain uni, entre l’ouest de la plage et le pied des mornes surplombants. Un bois de palmiers, froissant perpétuellement ses verts éventails, le jonche de rameaux tombés, comme pour un triomphe, et l’ombrage comme une tonnelle. Une route va d’un bout à l’autre du couvert, entre des parterres de fleurs — le magasin de modes de la communauté ; et dans le délicieux demi-jour, dans un air chargé de multiples parfums, les cases indigènes, isolées çà et là, mais toujours à portée d’entendre briser le ressac, éparpillent leur voisinage. Le même mot, nous l’avons vu, désigne en plusieurs dialectes polynésiens, sauf une ombre de différence, la demeure de l’homme. Mais bien que le mot soit pareil, la structure elle-même varie beaucoup ; et le Marquésan, l’un des insulaires les plus retardataires et barbares, est néanmoins le plus commodément logé. Les huttes de gazon de Hawaï, les maisons-cages de Tahiti, ou l’abri couvert, aux absurdes jalousies, des Samoans policés — rien de tout cela ne peut se comparer au

  1. Organisation sociale analogue au clan. (N.d.T.)
  2. Bas loustic londonien. (N.d.T.)