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sauvagesse, et ne parlait pas la langue. « Mais vous savez, répliqua la belle sentimentale, ils apprennent si vite l’anglais ! »

Mais ce n’est pas le tout de pouvoir converser avec les gens. Au début de mes relations avec les indigènes, deux circonstances me vinrent en aide. D’abord, j’étais le montreur du Casco. Le navire lui-même, ses lignes élégantes, sa haute mâture, le pont immaculé, le mobilier rouge du salon, avec les ors, les blancs, et les miroirs multipliants de la petite cabine, nous amenaient cent visiteurs. Les hommes toisaient les dimensions avec leurs bras, comme leurs pères toisaient les navires de Cook ; les femmes déclaraient les cabines plus jolies qu’une église ; de bondissantes Junons ne se lassaient pas de s’asseoir dans les fauteuils et de contempler dans les miroirs leurs douces images ; enfin, j’ai vu une dame relever son vêtement et, avec des exclamations émerveillées et ravies, frotter son séant à nu sur les coussins de velours. Les biscuits, la confiture et le sirop complétaient la réception et, comme dans les salons d’Europe, l’album à photographies passait de main en main. Ce banal recueil des costumes et des physionomies de tous les jours s’était transformé, après trois semaines de navigation, en un musée prestigieux de splendeurs lointaines. Dans la cabine dépaysée, on contemplait, on montrait du doigt, avec une excitation et une surprise ingénues, ces visages étrangers et ces vêtements barbares. Beaucoup reconnaissaient Sa Majesté, et j’