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des navires britanniques et à la proximité des États-Unis d’une part, et de nos colonies de l’autre, on peut d’ores et déjà le considérer comme la langue du Pacifique. Ainsi, par exemple, j’ai rencontré à Majuro un jeune garçon de l’île Marshall qui parlait un anglais excellent ; il l’avait appris au comptoir allemand de Jaluit, et ne savait cependant pas un mot d’allemand. Au dire d’un gendarme qui avait fait l’école à Rapaiti, les enfants, qui ont beaucoup de difficulté ou de répugnance à apprendre le français, attrapent l’anglais au long des chemins et comme par hasard. Sur l’un des atolls les moins fréquentés des Carolines, mon ami, Mr. Benjamin Hird, eut la surprise de trouver des enfants qui parlaient anglais en jouant au cricket sur la plage. C’est en anglais que notre équipage de la Janet Nicholl, assortiment de Noirs de diverses îles mélanésiennes, s’entretenait avec tous les insulaires rencontrés au cours du voyage ; c’est toujours en anglais qu’ils se transmettaient les ordres, et parfois même échangeaient des plaisanteries, sur le gaillard d’avant. Mais ce qui peut-être m’a frappé plus que tout, c’est un mot que je surpris, sous la véranda du tribunal, à Nouméa. Les débats étaient clos — il s’agissait d’une simiesque femme indigène inculpée d’infanticide —, et l’auditoire fumait des cigarettes en attendant le verdict. Une aimable dame française, anxieuse et presque en larmes, brûlait de voir acquitter la prisonnière, et se proclamait disposée à l’engager comme bonne d’enfants. Ses voisins se récriaient : la femme, disaient-ils, était une