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sur la croupe des collines, l’une même entourée d’un semblant de jardin. Ces habitations très en vue, ce bout de culture étaient, nous devions l’apprendre, un indice du passage des Blancs, et nous aurions pu côtoyer cent autres îles sans y trouver l’équivalent. Ce fut ensuite que nous découvrîmes le village indigène, situé (selon la coutume générale) tout contre une courbe de la plage, tout contre un bois de palmiers, et, par-devant, la mer grondait et blanchissait sur la concavité d’un arc de brisants. Car le cocotier et l’insulaire aiment tous deux et avoisinent le ressac. « Le corail croît, le palmier pousse, mais l’homme s’en va », dit le mélancolique proverbe tahitien ; mais tous trois, aussi longtemps qu’ils durent, sont les cooccupants de la plage. Le repère du mouillage était un évent dans les rochers, près de l’angle nord-est de la baie. Tout juste à notre intention, l’évent crachait. La goélette tourna sur sa quille ; l’ancre plongea. Cela fit un petit bruit, mais un grand événement : car mon âme est descendue avec cette amarre en des profondeurs d’où le cabestan ne pourra l’extraire ni le plongeur la repêcher ; et nous sommes, depuis cette heure, moi et plusieurs de mes compagnons de bord, les prisonniers des îles de Vivien.

Avant même que l’ancre eût plongé, une pirogue pagayait déjà du village vers nous. Elle contenait deux hommes : un Blanc, un brun au visage tatoué de lignes bleues ; l’un et l’autre en d’immaculés costumes blancs d’Européens : l’agent du comptoir, Mr. Regler, et le chef