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le cœur des découvreurs que nous approchâmes de ces bords problématiques. Le rivage s’élançait en pics et en ravins ascendants ; il retombait en falaises et en éperons ; sa couleur passait par cinquante modulations d’une gamme perle, rose et olive ; et il était couronné de nuages opalescents. Les teintes vaguement répandues décevaient le regard : les ombres des nuages se confondaient avec les reliefs de la montagne, et l’île et son inconsistant baldaquin s’éclairaient devant nous comme une masse unique. Il n’y avait ni balise, ni fumée de ville à attendre, ni bateau pilote. Quelque part, dans cette pâle fantasmagorie de falaises et de nuages, se cachait notre port, et quelque part, à l’est de ce point — le seul repère signalé —, un certain promontoire, appelé indifféremment cap Adam-et-Ève, ou cap Jack-et-Jane, reconnaissable à deux figures colossales, grossières statues naturelles. C’est elles qu’il nous fallait découvrir, c’est elles qu’on cherchait de tous les yeux, de toutes les lunettes, en discutant les cartes. Le soleil était au zénith et la terre toute proche lorsque nous les aperçûmes. Pour un navire arrivant du nord, comme le Casco, elles présentaient en effet le détail le moins caractéristique d’une côte saisissante : le ressac jaillissant les enveloppait par la base ; des mornes étranges, sévères, empanachés, s’élevaient par-derrière, et Jack et Jane — ou Adam et Ève — ne ressortaient guère parmi les brisants plus qu’une couple de verrues.

Nous laissâmes porter le long de la côte. Sur tribord retentissaient les explosions du ressac ; des