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heure. Il était quatre heures du matin. À l’est, une lueur irradiante annonçait le jour ; au-dessus de la ligne d’horizon, la brume matinale s’amassait déjà, noire comme de l’encre. Nous avons tous lu avec quelle soudaineté vient et disparaît le jour, sous les basses latitudes : c’est un point sur lequel concordent le touriste scientifique et le sentimental, et qui a inspiré de savoureuses poésies. Cette promptitude, évidemment, varie avec la saison ; mais voici un cas exactement noté. Bien que l’aube s’ébauchât ainsi dès quatre heures, le soleil ne fut pas levé avant six, et à cinq et demie seulement on discerna l’île attendue, parmi les nuages de l’horizon. Huit degrés de latitude sud, et deux heures pour la venue du jour. L’intervalle se passa sur le pont, dans le silence de l’attente, l’émotion coutumière de l’atterrissage accentuée par l’étrangeté des rives dont nous approchions alors. Peu à peu elles prenaient forme dans l’obscurité atténuée. Ua-huna, étagée sous un sommet tronqué, apparut la première à tribord ; presque par le travers s’élevait notre destination, Nuka-hiva, couverte de nuages, et plus au sud, les premiers rayons du soleil éclairaient les aiguilles de Ua-pu. Celles-ci pointaient sur la ligne d’horizon, et, telles les tours d’une église élégante et colossale, elles arboraient là, dans l’étincelante clarté du matin, l’enseigne appropriée à un monde de merveilles.

Personne à bord du Casco qui eût mis le pied sur les Îles, ou connût, sauf par hasard, un mot d’aucune langue insulaire ; et ce fut avec quelque chose peut-être du même plaisir anxieux dont frémissait